A Reims...
"
Excalibur Phaeton Series III."
"
Camelote?"
Les Excalibur sont assez controversées dans le monde de la collection, simple ersatz où vulgaires répliques pour les uns, marque à part entière pour les autres, les avis sont en général bien tranchés.
C'est en 1965 que la marque Américaine voit le jour, c'est Brooks Stevens qui en est le fondateur. Et cet homme n'est pas le premier farfelu venu, il est designer chez Studebaker, marque alors en plein déclin. Et l'aventure Excalibur commence quand le patron de Studebaker demande à Brooks Stevens de construire une voiture extraordinaire à exposer sur les stands du fabricant histoire de faire venir les visiteurs. Finalement c'est Raymond Loewy qui lui "chipe" l'exclusivité avec son Avanti, belle auto au demeurant. La proposition de Stevens était plus délirante, une inspiration des Mercedes SSK des années 30 basée sur un châssis de Studebaker Lark convertible. Le nom qui lui est donné est celui de "Mercebaker", culotté!
Stevens croit en sa voiture et loue un emplacement au salon de Detroit pour l'exposer et sa "Mercebaker" est un succès considérable, la presse en fait même "la" voiture de ce salon! Des comédiens célèbres sont épatés et souhaitent la commander, Stevens ne devait pas s'y attendre...Mercedes non plus! La marque Allemande signifie son désaccord pour le nom et Stevens le remplace par Excalibur.
Alors que Studebaker est en faillite, Brooks Stevens saisit l'opportunité d'acquérir à bas coût des châssis de Lark pour en faire la base de sa production. Mieux encore, un concessionnaire Chevrolet de New York lui offre l'exclusivité de distribuer son Excalibur si elle s'équipe de V8 issus de la Corvette Sting Ray, marché conclu.
Ainsi, Stevens propose deux modèles, l'Excalibur Série I mais aussi la 35X, un pastiche à mon sens moins réussi qui reprends les lignes de la Bugatti 35. Elle est très différente car basée sur de nombreux composants Opel et fabriquée à Turin chez Michelotti. Cette dernière restera anecdotique et trouvera peu de clients
La proposition de Stevens est unique et explique son bon départ. Les Excalibur offrant l'exotisme des modèles des années 30 allié à la fiabilité et l'agrément des voitures modernes. Le tout est de surcroît construit avec soin et minutie, nous sommes à mille lieu des kits-cars à châssis/moteur Volkswagen.
Fabriquée à Milwaukee dans le Wisconsin, l'Excalibur ne mise pas que sur son look extravagant mais aussi sur la qualité de sa réalisation artisanale, sa finition très poussée et ses gros V8 débordants de couple.
Il fait pour comprendre cet engouement se replacer dans le contexte, à l'époque, la mode "néo-classique" apparaît, on ne reprend pas des gimmicks des modèles des années 30, on en fait quasiment des répliques. Ce phénomène plaît, surtout aux USA où de nombreuses marques se lanceront sur ce nouveau marché qui sera hélas éphémère pour eux. On trouvera Zimmer et Clenet dans la même catégorie, Stutz aussi avec des modèles kitschissimes à souhait mais seul Excalibur réussira à vendre un bon nombre de modèles.
Si Brooks Stevens est le patron, il y a associé ses deux fils, David et William Steve. Ce sont eux qui ont l'idée de faire évoluer en 1970 la Série I en Série II. Plus large, plus longue, plus haute et plus lourde, elle s'éloigne des frêles SSK originelles pour se gonfler d'hormones de synthèse. La parenté avec Mercedes à disparue mis à part le bloc avant. Les finitions montent en gamme tout comme l'équipement qui devient au fil du temps toujours plus élevé. Les moteurs enflent aussi, le V8 7.0 litres sort ainsi 300 chevaux. Si elle n'est pas une bête de circuit, ses soubassements honorables lui offrent un excellent agrément de conduite, la voiture étant très bien conçue.
La Série III est lancée en 1975 et monte encore d'un cran en terme d'opulence. Excalibur assume ses excès et la clientèle semble s'y faire et apprécie. Doucement cette série prends ses aises et avance un argumentaire unique ne laissant aucune place à la concurrence. Pas étonnant que cette Excalibur Série III cartonne, c'est alors la plus vendue de l'histoire de la marque qui est à son firmament. Son moteur est toujours celui de la Corvette C3, un V8 7.0 litres mais qui a été un peu "castré" par les normes de pollution, il affiche 270 chevaux. En ce milieu des années 70, Excalibur s'est fait un nom et un cercle de fidèles qui au fil du temps s'élargit et en veux toujours plus, ils vont être exhaussés.
En 1979 arrive la série IV, son style n'a jamais été aussi travaillé et la voiture semble encore plus caricaturale que jamais. Les ailes s'étirent, le chrome dégouline, c'est un gâteau bourré de sucre et de crème pâtissière, j'adore mais je sais que je ne pourrais pas tout ingurgiter! Il y en a absolument partout. Trompettes de klaxon, calandre grillagée, feu central, pare-choc avancé à double lame, tubulures d'échappement latérales, roue de secours protégée par un carénage peint, jantes à rayon, poignées de portes, rétroviseurs, montants de vitres en chrome, boiseries sur les marchepieds, malle arrière, on ne sais plus où porter son regard tant la Série III affiche une abondance de décorations surannée. Seul les blocs optiques arrières de Cox font chiche et laissent injustement supposer une fausse parentée. Même chose à bord où tout scintille et cible les riches Américains alors fou de clinquant.
Mais par lassitude où à vouloir trop en faire Excalibur décline et les ventes ne sont plus ce qu'elles étaient. C'est aussi sans doute la fin d'une mode, les acheteurs préférant sans doute injecter leur argent dans une sportive Italienne dont l'image donnait à son propriétaire plus de stature. L'Excalibur amuse plus qu'elle assoit son propriétaire et en devient presque un objet de cirque qu'il faut conduire avec du fond de teint blanc et un nez rouge.
Dernière tentative en 1985 avec la Série V qui est la continuité dans la démesure, que pouvait on faire de plus? Excalibur était allé au bout de son histoire. Que proposer de plus que des dérations dorées, des selleries exclusives, des arabesques sur du verre dépoli où peindre les initiales de son propriétaire sur les portières, l'Excalibur était au bout de sa saga. Et puis il fallait signer un sacré chèque, l'équivalent d'une Rolls Royce Silver Shadow quand même, ça faisait cher la blagounette.
Mise en faillite en 1986, l'entreprise est reprise par Henri Warner, elle devient l'Excalibur Marketing Corporation. Facturée jusqu'à 100.000$ en 1989, ces autos étaient réservées à des grandes fortunes, des stars de la Jet Set où des émirs en mal d'originalité. Car rouler à bord d'une Excalibur, c'est avant tout vouloir se montrer tant la voiture est tout sauf discrète. Imposante, clinquante, scintillante et ultra bling bling, rouler à bord c'était s'exposer à la critique qui pouvait être à l'époque aussi aiguisée que le tranchant de son glaive.
L'usine ferme définitivement ses portes en 1989 après avoir vendu 3245 exemplaires toutes séries confondues mais restera quoi qu'il en soit dans l'histoire.
C'est un modèle de la série 3 qui est ici exposé et portant la carrosserie ouverte Phaeton, elle date de 1977. Elle dispose d'un moteur V8 7.4 litres de 215 chevaux. Pesant plus de deux tonnes, elle peut atteindre la vitesse de 190 Km/h. Notez la plaque fixée côté passager portant le nom de son premier propriétaire au cas où ce dernier l'aurait oublié! Narcissique initiative n'est il pas...